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Le jour d’après pour… les industriels néo-aquitains
La prise en compte des enjeux énergétiques, environnementaux et économiques doit nous inciter à relocaliser nos outils de production, estime Julien Chevalier, consultant associé chez Horenso(1). L’avenir est aux petites unités qui font appel au tissu économique et aux ressources locales.
Vous considérez que cette crise est une opportunité pour repenser notre modèle industriel. Pourquoi ?
Prenons l’exemple du Nissan Qashqai. Le moteur est fabriqué au Japon, la sellerie en Roumanie, la climatisation en France, le lithium et le cobalt qui composent la batterie viennent de Bolivie et du Congo, et l’assemblage est réalisé en Angleterre. Puis les ventes se font majoritairement en Russie et en Afrique du Sud. C’est ça, une chaîne mondialisée. L’une des conséquences est une production qui se fait désormais à flux tendu. Les entreprises industrielles mondialisées produisant pour le marché français se sont spécialisées de par le monde, et les stocks disponibles entre deux étapes de transformation se sont considérablement réduits. Résultat, la chaîne de production mondialisée est tributaire des contraintes locales de chaque pays, et donc très sensible aux aléas. L’enjeu est aujourd’hui de relocaliser les chaînes de production, afin d’être durable en termes de performance économique et de consommation énergétique.
Quel est l’enjeu énergétique pour les industriels français ?
En France, environ 70% de l’énergie consommée par le secteur industriel est d’origine fossile. Or, des études démontrent que d’ici 5 à 10 ans la disponibilité énergétique sera sous tension. En effet, l’Agence Internationale de l’Énergie rapporte qu’un pic de production de pétrole est craint dans la décennie 2020. Étant donné qu’il existe une corrélation très forte entre l’énergie fossile disponible et le PIB, nous devons réduire notre dépendance aux énergies fossiles pour éviter les futures crises économiques dans notre modèle actuel.
Quel est l’enjeu environnemental ?
La plupart des experts s’accordent sur une hausse des températures de 1,5° dans les prochaines années. Une hausse de 2° signifie une montée des océans de 5m. Cette hausse du niveau de la mer menace les habitations sur le littoral, mais aussi les ports de commerce. Je pourrai aussi évoquer la hausse de la pollution, le risque incendie, les canicules à répétition… Notre modèle industriel doit évoluer afin d’apporter une réponse technique et organisationnelle face à ces nouveaux enjeux.
Quel est l’enjeu économique ?
Comme pour l’énergie et l’environnement, il faut réfléchir à long terme. Il faut intégrer une dimension climatique et environnementale dans les calculs de retour sur investissement économiques. On peut relocaliser des usines que l’on avait installé à l’autre bout du monde sans faire exploser ses coûts de production. Je vous invite à découvrir le travail de Guillaume Szewczyk, qui démonte de nombreuses idées reçues en faveur du Made in China face au Made in France. Ses calculs démontrent que la production locale est bien souvent une production économique. Il faut se départir de nos aprioris sur les coûts de production Français forcément exorbitants.
On a du mal à croire que les industriels français peuvent rivaliser avec les Chinois pour produire, par exemple, un jouet en plastique à faible valeur ajoutée…
Dans le futur, nous aurons encore peut-être le choix d’acheter un jouet en plastique venant de Chine, mais nous devons surtout avoir l’opportunité d’acheter un jouet fabriqué en France avec des matières premières locales. Ce jouet, peut donc être fabriqué en bois en utilisant du pin des Landes par exemple ou avec des plastiques recyclés. Ce changement de mode de consommation ne se fera que par une industrie qui proposera du local, des consommateurs convaincus par cette démarche, ainsi qu’une législation et une fiscalité contraignante en ce sens.
Votre discours n’est-il pas incantatoire ? Comment peut-on changer notre modèle pour répondre aux enjeux que vous évoquez ?
Il ne s’agit pas de tout relocaliser dès demain. Mais au moins de commencer par les secteurs de première nécessité, comme la santé et l’alimentation. Pour que les choses changent, il faut que l’État donne plus de pouvoir aux Régions et arrête l’uniformisation : les besoins et les ressources sont différents selon les territoires. Les unités autonomes de production et la responsabilisation des équipes locales portent leurs fruits dans les industries, il faut faire de même à l’échelle territoriale. Les Régions doivent définir leurs besoins prioritaires, et l’État doit simplement s’assurer d’une couverture nationale de tous ces besoins prioritaires. C’est clairement moins une question de moyens que de volonté politique.
L’industrie néo-aquitaine est-elle prête à vivre le changement que vous appelez de vos vœux ?
Je pense que notre Région est plus prête que beaucoup d’autres. Le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine a lancé deux programmes très intéressants : l’Usine du Futur, pour inciter les industriels à transformer leur outil et leur organisation, et Néo Terra, pour préciser la feuille de route de la transition environnementale et climatique. Le lien entre ces deux programmes doit permettre de mettre en place l’avenir de l’industrie dans notre Région. Les grandes usines de 1.000 personnes, c’est fini ! Place aux petites unités qui font appel au tissu économique et aux ressources locales.
(1) Horenso est un cabinet conseil en excellence opérationnel. Basé en Gironde, il travaille pour de nombreux industriels néo-aquitains dans les secteurs aéronautique, automobile, négoce…
Publication originale : https://www.placeco.fr/article/article/le-jour-dapres-pour-les-industriels-neo-aquitains-42
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